La particularité architecturale de cette église de la fin du XVème siècle réside, entre autres, dans le fait qu’elle dispose de deux clochers de deux styles et de deux époques différentes qui dominent fièrement le village côte à côte.

Cette caractéristique atypique dans le paysage architectural religieux Aveyronnais, et même français ! confère à cette église un caractère rare, témoignant de la continuité et de la complémentarité des constructions à travers l’histoire…

Un clocher «peigne»

Le plus élevé, de style gothique qui fut construit avec l’église actuelle, achevée fin XVème.

Avant la Révolution, ce clocher possédait quatre cloches, trois d’entre elles furent confisquées afin d’être fondues à Montauban pour fabriquer des canons….

Subsistent aujourd’hui 3 cloches :

  • La seule rescapée de la Révolution, datant de 1777, pesant 530 kilos et dont le parrain était Mathieu Ygnace Alexandre de Bessuéjouls Comte de Roquelaure, Seigneur de Ceyrac.
  • Une cloche acquise en 1818 et pesant 145 kilos dont les parrains étaient Jean Félix Aldias, Curé de Ceyrac, et Jean Antoine Broussy, Maire de Ceyrac.
  • La dernière cloche acquise en 1869, pesant 656 kilos, a pour parrains : Hugues Carcuac, curé de Ceyrac, un dénommé M. Bonnes, vicaire et un dénommé Vincent Falguieres.

Ce clocher fut électrifié et doté d’une horloge de commande en 1967 pour automatiser la sonnerie des cloches.

En 2010, ce système d’horloge devenu hors d’usage, la commune le fit remplacer par une entreprise spécialisée dans les installations campanaires.

Au fil des siècles, l’escalier en bois permettant l’accès au clocher, ainsi que le plancher et les abat-sons s’étaient fortement détériorés rendant les visites périlleuses et quasi impossibles… C’est en 2018, que, fort de ce constat alarmant, la commune pris la décision de sécuriser et sauvegarder ces éléments de patrimoine en impulsant la réfection de l’escalier, du plancher et des abat-sons.

Un clocher, un peu moins élevé, dit « clocher de Maymac »

Beaucoup plus ancien, de style roman, ce clocher est le dernier témoin de l’ancienne église du village, qui occupait la place de l’actuelle et qui faisait «corps» avec le fort du village. (le village de Maymac aujourd’hui rattaché à Cruéjouls, dépendait de Ceyrac sous l’Ancien régime, et ses habitants avaient leur cimetière au pied de ce clocher portant le nom de leur village).

A la construction de l’église actuelle, le clocher de la précédente fut donc conservé afin de servir « de cage d’escalier » pour accéder au nouveau clocher.

A noter que les premières marches de cet escalier constituent un très bel escalier à vis qui illustre son appartenance à l’époque médiévale, et la fonction défensive de cette ancienne église fortifiée.

Avec le temps, les arcades romanes de ce clocher avaient été partiellement et grossièrement murées pour éviter les infiltrations.

En 2018, afin de remettre en valeur cette belle construction, la commune fit dégager les pierres qui obstruaient ces arcades afin d’y installer des abats-sons, s’avérant par ailleurs beaucoup plus efficaces contre les intempéries.

Cette église fut consacrée le 18 octobre 1524 par le bienheureux François d’Estaing puissant Évêque de Rodez et Recteur du Comtat Venaissin, personnage très influent dans le monde catholique de son époque et, entre autres, conseiller du roi Louis XII. (François d’Estaing ayant par ailleurs était élevé par son oncle Jean d’Estaing qui était Dom d’Aubrac et Sacriste de Rodez.)

L’intérieur de l’église

Le maître autel et son retable en bois sculpté de 1875 présentent un style «Néo-Gothique» ou «Gothique-Troubadour» très répandu en France au XIXème siècle notamment sous l’impulsion du renouveau catholique post-concordat.

Le principal intérêt de ce retable réside dans la présence en son sein de deux monumentales et beaucoup plus anciennes statues en bois sculpté polychrome. Ces deux statues de style «Gothique-tardif» ou «Renaissance», superbement conservées sont datées de la fin du XVème/début XVIème, elles représentent les deux Saints Patrons de l’église et du village :

  • à Gauche St Hippolyte en tenue militaire antique avec armure, lance et casque à cimier,
  • à droite St Germain évêque d’Auxerre en tenue épiscopale avec la mitre et la crosse.

La légende dit que ces deux statues proviendraient de l’ancienne chapelle de St Hippolyte, située à quelques centaines de mètres au sud-est du village, ce qui est tout à fait possible compte tenu de leur datation…

Le Maître autel est par ailleurs surmonté par un grand œil de bœuf dans lequel un vitrail est consacré lui aussi à Saint Germain.

Les chapelles latérales

A l’origine cette église ne disposait pas des cinq chapelles présentes actuellement, elles ont été rajoutées au grès de certains bienfaiteurs et servirent de sépultures pour ces derniers jusqu’en 1776, date de l’interdiction de cette pratique dans les églises.

  • La première chapelle à droite du Maître Autel était initialement dédiée à Notre Dame (aujourd’hui St Joseph), elle fut construite avant 1540 par la famille Ambecy, notaire de Ceyrac
  • La deuxième à droite en partant du Maître Autel était dédiée initialement à Notre Dame de Pitié et de St Antoine,(aujourd’hui notre Dame et l’enfant Jésus), elle fut construite par acte du 20 mars 1478 par la famille Calmelly de Ceyrac, notaire à Rodez.
  • La troisième chapelle et dernière à droite (première à droite en rentrant) était dédiée à l’époque à Saint Pierre (aujourd’hui Notre Dame de Lourdes), elle fut construite par acte du 22 février 1478 par la famille Guirbaldi de Ceyrac, apothicaire à Rodez.
  • La quatrième chapelle côté gauche au milieu (à côté de la chaire) était dédiée à l’origine à Saint Jean l’évangéliste (de nos jours le Saint Esprit) par acte du 20 février 1478 par la famille Jean de Manso ou Desmazes.
  • La cinquième chapelle (première à gauche en rentrant) quant à elle, était dédiée aux fonds baptismaux et à St Blaise (toujours Fonds Baptismaux et Ste Thérèse de Lisieux aujourd’hui). A noter que l’Autel et le retable qui trônent dans cette chapelle sont les anciens (remaniés) qui faisaient office de Maître Autel de l’église, daté de 1700 et déplacé en 1875.

Une gravure énigmatique…

Il est à noter également la présence, à côté de l’escalier de la chaire, d’une ancienne et belle gravure en écriture gothique qui semblerait signifier «ANNO 1630» soit : «en l’an 1630»….

L’inscription de cette date pourrait illustrer des travaux importants ou des «remaniements» du bâtiment qui auraient eu lieu cette année-là: preuve que les bâtiments vivent et évoluent….

Les peintures disparues ou dissimulées

Il y a fort à parier que, comme en témoigne une convention du 23 septembre 1612 entre les prêtres de Ceyrac et un peintre de Marvejols actant la commande de plusieurs peintures, plusieurs fresques anciennes pourraient encore être présentes, dissimilées sous des enduits ou derrière des retables :

            – Derrière le retable du Maître Autel actuel, une peinture à l’effigie de St Germain et de St            Hippolyte, toutes deux surmontées de figures d’anges.

            -Dans la chapelle des fonds baptismaux et de St Blaise, une peinture de St Blaise, une peinture représentant Jésus-Christ, St Jean Baptiste, le St Esprit en forme de colombe, l’image de la mort à l’endroit du tablier du purgatoire.

           -Cette ancienne convention indiquait également la présence sur le mur du fond de l’église, au-dessus de la porte, d’une peinture monumentale de Jésus-Christ avec la Vierge Marie, Saint Jean l’évangéliste et Marie-Madeleine. Il est là aussi très probable que cette œuvre de 1612 ait été recouverte ou modifiée en 1934 par une nouvelle fresque monumentale ou les mêmes personnages sont représentés mais ce coup-ci sans Marie-Madeleine….cette peinture est signée d’un «H. Comas 1934»..

L’étonnante cachette de l’église

L’Abbé Jean-Antoine Lassere (1720-1812), curé de Ceyrac de 1753 à 1803, avait prêté serment à la constitution révolutionnaire le premier février 1791 dans l’église du village. Le 17 avril suivant, il se rétracte déclarant qu’il avait été pris de remords de conscience…

Refusant de se rendre aux autorités, il se cacha tout d’abord jusqu’au 9 mai 1792 dans des maisons du village puis de cette date jusqu’aux jours qui suivirent la chute de Robespierre (26 juillet 1794) qui rendit la liberté aux prêtres, dans «un vide se trouvant entre la voûte et le clocher de l’église…»

Plus récemment…

L’intérieur de cette église a été entièrement rénové dans les années 1990 par la paroisse (avec le soutien de généreux donateurs) sous la direction du prêtre de l’époque, l’Abbé Joseph Miquel (1924-2003).

La commune, en plus des travaux sur les clochers cités précédemment, fit reprendre la totalité de la couverture des chapelles latérales sud en 2023.

Visite de l'église de Ceyrac