Élément incontournable du très large paysage, cet édifice ainsi que les deux clochers de l’église qu’il tutoie agissent comme un marqueur fort de l’identité du village qui a su conserver sa silhouette médiévale dans son écrin environnemental préservé.

Description

Ce donjon Roman attribué au XIIe siècle est identifié comme étant un des édifices civils les plus anciens du Rouergue. Construit en calcaire local, formant un carré de 7,60 m de côté, l’épaisseur des murs à sa base étant de 1,70m, sa hauteur actuelle (en ruines) est de 15m lorsqu’on se situe côté église et d’environ 20m lorsqu’on se situe à la base de sa construction du côté du garage qui y est attenant en contre-bas.

 Cette Tour, victime de pillages de ses pierres à partir de la Révolution, a vu disparaître un à deux de ses niveaux initiaux et une bonne partie de sa face Ouest, ces constructions symbolisant l’ancien régime «révolu» servaient très souvent au XIXème siècle de simples carrières de pierres !

A noter également que des éléments remarquables de cette tour se retrouvent disséminés sur des bâtisses du village comme à deux pas, sur l’ancien Presbytère qui était auparavant le château du village et qui porte fièrement sous sa charpente les très beaux corbeaux en pierre qui proviendraient de la Tour…

Bien que l’intérieur ne soit pas accessible au public, on y distingue encore des éléments caractéristiques tels que les vestiges de l’escalier à vis en pierre de taille, de belles meurtrières, le vestige probable d’un parement de latrines….

La présence de remblais à une hauteur d’environ 5m à l’intérieur de l’édifice interroge sur la possible préservation des voûtes inférieures et donc des «pièces» qui pourraient avoir résistées, consolidées par le poids et la pression des remblais supérieurs. Par ailleurs, l’existence d’une «salle» voûtée d’une dizaine de mètres carrés ayant fait office de citerne, présente à droite de la tour dans la cour adjacente à l’église, accréditerait cette théorie….

A noter que dans les années 1980, la commune fit sécuriser et stabiliser la ruine dans sa partie supérieure et Ouest. En 2015, devant de nouveaux problèmes d’instabilité présumée de certaines pierres, une opération de rejointoiement a été réalisée sur une partie des façades Nord et Est.

Fonction carcérale

Dans la deuxième partie du XVIème siècle, les termes d’un «accord» entre François de Solages, deuxième du nom, et les habitants de Ceyrac indique notamment que les incarcérations de « ceux qui le méritent » se feraient désormais à Tholet car la Tour de Ceyrac qui servait jusqu’à lors de lieu de détention n’offrait plus les garanties suffisantes de solidité et de sûreté…

Le fort

La Tour-Donjon faisait partie d’un ensemble de fortifications plus complexes comprenant l’ancienne église, dont le clocher roman subsiste, et le presbytère (partie principale de l’ancien château remanié au XVème).

Une très ancienne et précieuse représentation du fort du village datée de 1519 présenté dans l’ouvrage « Châteaux et lieux fortifiés du Rouergue » de Jacques Miquel ainsi qu’un plan des lieux fournis par les services de la DRAC, illustrent parfaitement le caractère défensif et stratégique de ces installations qui, du haut de leur éperon rocheux à 620 mètres d’altitude, dominaient et contrôlaient la campagne environnante de la vallée du Dourdou aux contreforts de l’Aubrac….

Ce Fort disposait de deux portes d’entrée principales :

  • La porte Desmazes au nord-ouest, très probablement venant du nom du riche propriétaire de la gentilhommière de la bannerie qui, au XVIème siècle, possédait le moulin à vent sur les hauteurs de Ceyrac ainsi que le four à pain du village à coté de sa belle demeure. Une sculpture probable de Jehan Desmazes au côté de son épouse et de son blason est toujours présente sur une des cheminées monumentales de cette gentilhommière (propriété privée).
  • La porte de la Veyrie ou de la Beyro au sud-est, entre l’église et le couvent.

A noter que les ruelles étroites et pavées, par ailleurs remarquablement conservées, qui entourent les limites du fort jusqu’à l’emplacement de la porte de Beyro, témoignent de l’organisation du site et de son habitat.  Ces ruelles pavées appelées aussi calades ou carierolles ont été pour partie reprise à l’identique par une entreprise spécialisée en la matière lors des travaux d’assainissement qui ont nécessité leur ouverture. Cette méthode de construction qui n’utilise aucun liant tel que le ciment s’appuie comme le faisait les anciens sur un assemblage sur un lie de sable de pavés compactés.

La statue du «Page» du Fort du village

La découverte en 1980 du fragment de statue d’un «Page» (jeune garçon noble placé auprès d’un seigneur pour apprendre le métier des armes, faire les services d’honneur, synonyme d’écuyer) lors du démantèlement d’un mur de pierre privé à 50 mètre de la Tour-Donjon illustre le riche passé médiéval du lieu.

Ce fragment d’une quinzaine de cm de haut et de 20 cm de large représente le buste, (dont la tête a disparue), d’un enfant ou adolescent avec un vêtement à capuche. Le style du vêtement est datable de la fin du Moyen Age, début de la Renaissance. Il devait probablement faire partie d’un ensemble, soit religieux, soit associé à la famille dirigeante du fort.

Vu l’excellente facture du dos, égale à celle de la face, cette statue était visible sur toutes ses faces.

Ce témoin de pierre est soigneusement conservé chez un particulier du village.

Les seigneurs successifs des lieux

Les Travaux réalisés par Jean Sahuguet dans son ouvrage « Gabriac en Rouergue » préfacé par Jean Delmas, attestent que, dès son origine, ce fort dépendait des puissants Seigneurs de Calmont d’Olt.

En 1389, Jean de Castelnau-Bretenou et Marguerite de Villemur, descendants des barons de Calmont vendirent cette Seigneurie  à Guillaume de Solages, Seigneur de Tholet. 

Plus tard, François de Solages, deuxième du nom, né avant 1535, mort avant 1604 et marié avec Diane d’Apchon en 1567, et arrière-petit-fils de Guillaume, la vendit à Louis de Bessuéjouls de Roquelaure….

Cependant François de Solages étant débiteur d’une forte somme d’argent envers un certain Raymond Letellier, marchand d’Espalion, il y eu un long procès et saisie de la Seigneurie au profit de Lettelier.

Après une autre série de procès, de ventes, d’échanges, tous cassés par un arrêt du parlement de Toulouse du 13 septembre 1613, une transaction fut passée le 20 février 1632 entre Raymond Letellier (possesseur) et Louis Bessuejouls de Roquelaure.

En parallèle, le système féodal complexe laissait organiser le territoire avec des Co-Seigneurs en plus du Seigneur « Direct ». A Ceyrac c’était le cas avec les Co-Seigneurs de la famille Gaffuer…

Les traces du testament d’un Jean Gaffuer reçu devant le notaire de Ceyrac le 11 avril 1616 atteste de la présence de cette famille, famille par ailleurs en lien avec les seigneurs Goudal de la Goudalie.

La famille Bessuejouls de Roquelaure conserva la seigneurie jusqu’à la Révolution qui abolit les droits seigneuriaux.

Guerre de religions et peste au temps du fort

Quelques éléments faisant référence aux guerres de religions ou à la propagation de la peste nous sont parvenus à travers le récit du notaire Antoine Codercy de Ceyrac :

  • «En l’an 1579, le jour de la Madeleine, la garnison de St Léon pour la religion reformée passa par Ceyrac et sema la terreur « ravageant bestiaux et prisonniers »
  • «Le 12 février 1588, le Baron de Tholet Seigneur de Ceyrac ameuta les villageois. Il recherchait des volontaires pour garder le fort jour et nuit, une terrible nouvelle venait d’arriver : Laguiole et Les Molinières venaient de tomber sous le coup de l’ennemi!»
  • La peste de 1586-1588 arrivée avec les guerres de religion et propagée par l’Armée du Duc De Joyeuse aurait décimé 50 000 personnes en Rouergue et 2400 sur la paroisse voisine de St Côme épargnant quasi miraculeusement Ceyrac qui ne compta qu’une vingtaine de victimes….(minutes du notaire Antoine Codercy de Ceyrac).

Le squelette inconnu enseveli au bord du fort

Tout près de la route de Ceyrac le Haut, à quelques mètres seulement de l’ancienne enceinte ouest du fort, juste derrière le four communal, des ossements mystérieux ont été retrouvés dans le milieu des années 1980 lorsque ladite route a été élargie….

Sous le mur de soutènement qui délimite la propriété Cambon le squelette d’un individu reposant sur le dos a été retrouvé quasi intact, hormis le crâne perforé par la pioche du cantonnier….

Aux dire des archéologues locaux, ces ossements visiblement très anciens semblaient avoir été recouvert d’un ancien pavage comme le sol d’une cave d’une ancienne maison.

Cette découverte attira nombre de curieux venus «rencontrer» l’inconnu du mur…

Même les enfants de l’école de Ceyrac (encore ouverte à cette date) vinrent avec leur enseignante visiter cette découverte au titre d’une «sortie éducative»!!!

Il n’est pas rare de retrouver des ossements humains dans les villages mais généralement ceux-ci se trouvent a proximité des églises où se trouvaient les anciens cimetières, mais à cet endroit-là, dans les fondations d’un mur?

S’agit-il des ultimes traces d’un accident qui a mal tourné ou d’un règlement de compte ? l’histoire connue du village ne relate pas la disparition mystérieuse d’un des siens….s’agit-il d’un «étranger» du village? Quoi qu’il en soit, le squelette du mur (toujours en place!) attend toujours qu’on lui rende son identité.

Et le fort aujourd’hui ?

Conscient de la richesse patrimoniale des lieux et soucieux de mettre en valeur le site, la commune a diligenté en 2023 une opération de dissimulation des réseaux électriques et téléphoniques qui obstruaient largement la vue sur le cœur de cet ancien fort, ainsi que la vue panoramique sur le village et la campagne environnante depuis la terrasse qui fait office de belvédère au pied de la tour.

Cette opération de requalification de l’espace public de ce centre ancien, véritable action patrimoniale d’ampleur, s’est accompagnée de la mise en place d’une signalétique patrimoniale modeste invitant le passant à découvrir le passé de ces vieilles pierres et à prendre conscience du poids de l’histoire….